Jen

août 5th, 2011 by The Little Prince

Je le savais que cette journée serait naze. Il pleuvait, je ne trouvais pas les livres que je cherchais à la BU. C’est Jen qui m’a rattrapé, elle a couru sur le parking avec ses bouquins sous le bras. Je m’apprêtais à repartir au nord, sous cette pluie diluvienne. Elle s’est engouffrée dans la voiture, et m’a dit un truc du genre “on ne te déteste pas, tu sais”. Je ne comprenais pas vraiment pourquoi elle se sentait obligée de dire ça, elle qui m’avait ignoré quelques minutes plus tôt.
Je suis resté un moment, la portière droite ouverte, et elle a dit ce que je pensais tout bas. Elle a parlé du père de Simon, elle n’avait pas le droit de me dire, de le nommer, je ne voulais pas savoir. De rage, j’ai refermé la portière sur mes doigts. J’ai hurlé comme possédé, comme si mes oreilles me brûlait, comme si mon corps tout entier n’était que douleur. Je ne voulais pas savoir.

Ce soir, j’ai réalisé que Nicolas m’avait averti, il y a des années. Il avait raison. Il a raison.

La déglingue

juillet 28th, 2011 by The Little Prince

Tu n’as pas dit un mot de la soirée, tu n’as pas bu un verre de vin, tu ne m’as pas critiqué, tu ne m’as pas lancé un regard froid, tu n’as rien dit sur mon homosexualité, ni sur ce que je mangeais, ni sur mon métier, ni sur ma façon de dépenser mon argent, ni sur mon exigence, mon laxisme, mes opinions politiques, mon accent français quand je parle allemand, les insultes que je lance à mon frère. Tu ne m’as pas dit que j’étais juste, bon ou mauvais, que le monde ne tourne pas rond, tu n’as pas dit que tu souffrais, que tu te sentais diminuée, que tu ne marchais pas droit, tu n’as pas versé de larmes ou réssucité des morts, tu n’as pas sorti de squelettes du placard, tu ne t’es pas expliquée sur la paternité de ton fils aîné, tu n’as pas pris ton fils cadet dans tes bras, tu n’as pas froncé les sourcils, ni ri, ni souri, ni même écouté ce que nous nous sommes dits pendant deux heures.

Tu n’as rien dit Mamie, tu étais là, perdue dans tes pensées. Tu le sais aussi bien que moi, que ton fils, que ton mari, ce silence ne te ressemble. Il ne te ressemble pas du tout.

Tu as déjà le teint bien pâle, tu murmures pour demander un bout de pain, le son de ta voix s’évanouit comme un souffle. Tu as perdu ta superbe, et nous nous faisons tous un sang d’encre, même si nous ne montrons rien. Cette façade, cette dureté c’est toi qui nous l’a appris, toi qui nous a toujours dit que la vie était dure, trop dure, “trop chienne”.
Nous retenons tous notre souffle autour de nous, témoin du temps qui passe qui emporte tout et qui ne laisse rien, qui ne te laisse rien, même pas un bout de voix, une poussière de colère. Nichts.

Chris Wall – Posterity

juillet 24th, 2011 by The Little Prince

Je suis fêlé. Je les sens les fissures se propager sous ma peau, elles craquent, s’allongent, se ramifient. A chaque fois que je me cogne, je manque de finir en mille morceaux.

Les secondes de plomb

juillet 18th, 2011 by The Little Prince

Sous les toits du manoir centenaire, je peine à trouver le sommeil. Chaque réveil est comme une petite mort, un autre impact avec la réalité. Dans mes rêves, où rien n’est impossible, j’aimerais parfois rester.
Biolay m’accompagne dans mes journées, je n’ai trouvé que lui dont je supporte la compagnie. Les silences gênés de ma mère qui ne trouve jamais les mots, et de mon père qui n’hésite pas à les dire ne me réconforte pas vraiment. De toutes façons rien ne me réconforte vraiment, si ce n’est que je sais que le verre pilé dans mon ventre et ma gorge serrée disparaitront avec le temps.
J’aimerais m’offrir tout entier au vide, qu’il prenne ces souvenirs auxquels je me rattache tant, à tous ces détails que j’ai mémorisé et qu’il ne laisse qu’une vague trace, un vague passage. Qu’il ne reste plus qu’un lointain souvenir de citron meringué sur sa peau solaire, là au creux de son cou, une bribe de sourire et rien d’autre. Pas de cri, pas de mots d’amour, pas de pleurs, pas de haine. Rien d’autre que ça.

L’or que l’on a mal chéri

juillet 14th, 2011 by The Little Prince

J’avais oublié cette sensation désagréable. Le sol qui se dérobe sous mes pieds, les frissons incontrôlables au milieu de l’été.
On devrait nous prévenir que notre cœur se brisera mille fois, qu’il faudrait s’en remettre et qu’à chaque fois il nous faudrait affronter la vérité crue de nos défauts.
J’aurais donné tout l’or du monde pour revenir en arrière, défaire tout ce qui est à défaire, le retenir par le bout du bras et le supplier de ne pas me quitter, lui dire que je changerai tout, que je décrocherai la lune, je marcherai sur l’eau, j’accomplirai l’impossible pour qu’il reste près de moi. On aurait du me prévenir que ça ne servirait à rien, et que tout ce que j’aurai voulu dire restera coincé au fond de la gorge et que je n’aurai qu’à offrir le silence pesant du repenti, de celui qui a fauté, qui s’est fait prendre et qui se blâme des erreurs qu’il n’a pas vu.