Un instant de grâce

octobre 26th, 2011 by The Little Prince

Au moment où tout bascule, il existe un moment de grâce.
Personne ne nous dit qu’avant de s’éteindre, et de fondre dans le néant, il y a cet instant suspendu entre vie et mort, rêve et réalité. Nos sens sont exacerbés et il apparait la grande Vérité.
Mon ancienne vie terrestre commence déjà à s’effacer, à me manquer, mes amours déchus sombre dans l’oubli. Je baigne dans une lumière dorée aveuglante, rassurante, captivante. L’univers me chuchote à l’oreille ses plus doux secrets d’une voix cristalline, tout prend alors forme, tout a un sens, mes interrogations sur le sens de la vie s’ôtent une à une.
J’ai oublié l’homme qui se tenait face à moi. Lorsque j’ai tout su, que j’ai vu la vérité entière aussi grandiose qu’elle soit, je n’ai eu le temps qu’une dernière fois humecter l’air, le parfum de mon assassin. Bois d’argent, j’ai trouvé ça ironique.

Les lumières se sont éteintes, l’asphalte a retrouvé sa froideur, et j’ai quitté ce monde, serein.

Radiohead – No surprises

Jinxed

octobre 25th, 2011 by The Little Prince

Je ne sais pas ce qui m’a pris. Il était minuit passé, je voulais juste rentrer chez moi. La nuit me glaçait jusqu’aux os, mes joues s’étaient figées dans une expression de demi rictus ridicule.
Mon nez enfoncé dans ma grosse écharpe en laine blanche, je m’engouffre dans le petit passage. Tu sais celui derrière la gare, qui pue la pisse le jour et la suie la nuit.
Les étoiles n’éclairaient pas mon chemin, la ciel n’abritait aucun astre, et plongé dans le noir complet j’aurai dû sentir la présence d’un homme derrière moi, j’aurai dû sentir l’odeur métallique de sa transpiration, son souffle chaud dans mon cou, voir son ombre valser sur les murs tagués du raccourci.
Il n’en ait rien. Je n’ai pas eu le temps de courir, pas eu le temps de crier, la balle s’est logée entre mes omoplates, l’odeur de la poudre et de la chaire brûlée a rempli l’air. En sombrant, je n’ai vu que les pieds de mon agresseur, ses boots noires sales, son jean gris foncé.
La douleur irradiait tout mon corps, mon souffle se faisait rare. Il s’est rapproché, et a tiré une nouvelle fois.

California Wives – Blood Red Youth

août 21st, 2011 by The Little Prince

LA VIE A BESOIN D’ILLUSIONS, C’EST A DIRE DE NON-VERITES TENUES POUR DES VERITES.

FRIEDRICH NIETZSCHE

L’urgence de vivre

août 19th, 2011 by The Little Prince

Miles Kane tourne en boucle sur la platine du salon, et je contemple sereinement Clément faire des ronds avec sa cigarette. Nous ne parlons pas vraiment, ce n’est pas franchement nécessaire. Il est trois heures du matin, l’inquiétude me tient éveillé. Mes rêves et mes cauchemars me tiennent éveillés. Je dors debout.

Mon esprit déraille à cinq heures moins le quart, je plaide coupable, mon esprit s’est perdu, j’ai pris le large, un avion, un cargo, un sous marin et je suis parti très loin, au moins jusqu’au bout du couloir. De toutes façons ce n’est pas grave, vous n’êtes pas vraiment là non plus, Marc. Vous avez pris l’avion, vous êtes à Torento, à Ottawa. Nous n’aimons pas les mêmes hommes, vous parlez de votre idéal, je vois votre solitude. Vous me faîtes peur. Vous tutoyez me fait peur. Mon avis vous intéresse, je suis lucide, mes yeux et ma peau aussi.

Bleu pétrole

août 15th, 2011 by The Little Prince

Il était neuf heure moins dix, et je venais de traverser la moitié du département. Il n’y avait personne sur la route, et je voyais les allées de peupliers blancs se succéder dans le bleu pâle naissant.
Mon téléphone avait sonné vingt minutes plus tôt, et j’avais préparé un sac en moins de temps qu’il ne fallait, la voix de ma mère angoissée au téléphone. Son timbre cassé, m’avait glacé d’effroi, tellement ça ne lui rassemblait pas.
Il était assis dans l’herbe, le regard hagard, vide. La toile froissée trainait sur la chaussée, l’odeur de l’essence s’était répandue sur le bitume et l’herbe avoisinante. J’avais le coeur qui battait à cent à l’heure, à mon arrivée il s’est levé, il a ouvert la portière, a poussé un soupir de soulagement.
Je n’ai pas fermé l’oeil de la nuit.

Louis Ronan Choisy – Le refuge